EnglishFrenchSpanish

Artiste visuel

Sélectionner une page

À propos

 

 

 

Samuel Gelas fait du dessin le geste fondateur de sa pratique et de la pierre noire son outil de prédilection, dans une riche production picturale qui transforme la toile en livre ouvert, toile de fond et support de sa personnelle narration imagée du réel. L’oralité et l’écriture deviennent langage et signe dans un espace atemporel où les portraits se mêlent aux graphies et aux voix de la rue, où Ésope rencontre le conteur créole, où les icones du cinéma Hollywoodien se juxtaposent aux gens ordinaires. Ce qui les assemble est leur animalité, l’appartenance à un immense bestiaire qui en révèle les stratégies de survie, de révolte et de ruse dans l’espace immuable de la plantation. Les références au « Zoo humain », fruit du passage du darwinisme social au colonialisme, attribuent à la technique de l’hybridation une portée politique et critique contextualisée historiquement et réactualisée par les récents mouvements de lutte sociale dans les Antilles françaises.

Il s’agit surtout de se réapproprier les imaginaires, les récits, et une réelle stratégie d’invention propres aux espaces créoles. Le corps, et plus précisément le corps noir, est la figure centrale qui revient sans cesse dans la majorité des toiles. Corps de femmes, corps d’hommes, corps entiers, corps amputés, corps colonisés, corps hybridés, thérianthropes, mofwasés, corps contraints, corps effacés, corps objet de marquage et qui ont marqué l’histoire.

L’artiste visuel associe la pratique du dessin et de la peinture à celle de la sculpture et de l’installation dans un travail plus récent autour de la relation entre l’homme et le vivant qui donne lieu à une série de dessins et sculptures où l’hybridation produit un être mi-homme mi-arbre, celui que la langue créole appelle « pyé bwa », un arbre doté de pieds, prêt à partir, se déplacer, s’adapter lorsqu’il est déraciné. Des pieds qui portent un tronc, des bras et un riche feuillage, une écorce : lapo bwa. Cette image, capable d’hybrider l’humain et le non humain, a pris place et sens dans cette série de dessins ainsi que dans ses sculptures en trois dimensions et à l’échelle 1, réalisés à partir du moulage de son
corps.

Le travail de médiation culturelle et d’archivage des données opéré par la création de la chaîne YouTube MédiArt témoigne enfin de sa volonté de contribuer, par le biais de l’audiovisuel, à la diffusion d’une pensée critique caribéenne et archipélique qui porte loin la voix et les images des artistes qui y participent.

 

Paola LAVRA,

Anthropologue, professeure de sciences humaines appliquées à l’art, curatrice et co-auteure