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Artiste visuel

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Art Guadeloupe

 

 

 

 

Marquée par un fort désir d’affirmer son identité, la culture créole influence tous les domaines de la créativité en Guadeloupe. Des arts picturaux à la sculpture en passant par la musique (omniprésente) et la danse, de la littérature au théâtre en passant par l’art culinaire, la vie quotidienne est rythmée par ces cultures mixtes, à la fois traditionnelles et bien dans l’air du temps. Le temps du Carnaval mêle ces formes d’expressions aux rites séculaires, aux rythmes percussifs ancestraux, aux chants, aux chorégraphies, aux parures… C’est certainement la manifestation la plus claire de cette culture bien vivante. Les arts plastiques constituent une activité assez récente en Guadeloupe (avec des prémices dans les années 1960).

 

Et pourtant, l’on dénombre de nombreux peintres et plasticiens de talent. Il faut dire que les sources d’inspiration sont multiples entre la luminosité des Antilles, bien connue et appréciée des peintres, le passé colonial, la quête identitaire… Au nombre des artistes réputés et reconnus se trouvent, Michel et Georges Rovelas, Joël Nankin, Ano, Richard Victor-Sainsily, Bruno Pédurand, Jean-Marc Hunt, etc… les sensibilités sont diverses et variées, tout autant que les styles. La Maison d’Artistes La Ramée située à Sainte-Rose, depuis 2002, accueille des artistes de tous horizons et propose des ateliers, des expositions. Inauguré en 2017 par le collectionneur d’art Jérôme Filleau, le musée des Beaux-Arts de Guadeloupe, qui se situe sur la marina de Saint-François, est conçu comme un musée traditionnel qui privilégie les artistes nés, exerçants ou ayant exercé en Guadeloupe.

 

Si les arts plastiques contemporains de la Guadeloupe n’atteignent pas des cotes extraordinaires dans les galeries internationales, l’expression artistique la plus vivante de l’île est celle des jeunes graffeurs. De Baie-Mahault à Basse-Terre, de Sainte-Rose au Grand-Bourg ou Morne-à-l’Eau, en passant par le cimetière du Gosier, les terrains vagues de Pointe-à Pitre ou l’échangeur de Grand-Camp, les graffeurs peyi sont des génies ! A l’aide de bombes de peinture acrylique, les artistes (Jimmy Sheikboudhou, Philippe Laurent mais aussi Pwos, Cédrik Boucart, Pacman, etc…) embellissent l’île-papillon.

 

C’est ainsi que l’on découvre, en des lieux insolites (ponts, murs d’enceintes, entrepôts, ronds-points, transformateurs électriques, abribus, etc.) Si beaucoup de ces graffs constituent de commandes de collectivités, aujourd’hui, ils sont reconnus par les particuliers et bénéficient également de commandes privées.

 

 

 

 

Une réflexion de Richard-Viktor SAINSILY-CAYOL.

 

Qu’est-ce qu’une politique culturelle ?

 

La politique culturelle est la volonté et l’expression actée d’une entité de pouvoir, d’adopter et de mettre en oeuvre un ensemble cohérent de principes, d’objectifs et de moyens visant la protection et l’épanouissement de l’expression culturelle d’une communauté, d’un pays. Les arts sont ce qui fondent même cette expression. À l’heure où l’interdépendance économique et politique entre les pays s’intensifie, la promotion de l’expression culturelle d’un pays par le biais d’une politique culturelle cohérente dans le domaine des arts devient un instrument déterminant pour souligner et mieux définir ce qui le singularise.

 

À cet égard, la Guadeloupe a des défis considérables à relever. Bien que limitée de par son insularité et son échelle, son positionnement au cœur des Amériques ainsi que son histoire et sa riche ethnicité, sont autant d’atouts favorables à la création, la production, l’échange, la diffusion et la communication des oeuvres artistiques, des idées et des connaissances, dans son contexte géo-culturel caribéen, mais aussi dans le concert des Arts du Centre-Monde qui le voit exclu depuis trop longtemps .

 

Sujet : La politique culturelle Guadeloupéenne.

 

Dans mon propos, je me pencherai essentiellement sur la partie de la politique culturelle qui porte sur les arts, soit l’ensemble des actions qu’une collectivité régionale devrait entreprendre, qui ont un effet direct sur les artistes créateurs et les interprètes ainsi que sur les organismes artistiques au sein desquels les artistes exercent leur art.
J’aborderai donc les principaux enjeux d’une politique culturelle Guadeloupéenne bien pensée dans le secteur des arts et les principaux gestes à poser par le pouvoir en place afin d’y répondre.

 

Le contexte, l’analyse.

 

A) Le rôle de la Collectivité Régionale ou Territoriale

 

La culture est le visage et l’âme d’un pays. Elle est le spectre visible de la pensée, de la façon d’agir des êtres qui l’habitent. La culture est dans une plus large acception, l’ensemble des connaissances, de l’expérience, des croyances, des valeurs, des coutumes, des traditions et des institutions distinctives d’une communauté. Notre Guadeloupe, comme de nombreux pays de notre Terre, est composée d’un certain nombre de communautés distinctes possédant chacune des caractéristiques culturelles exclusives. Le sentiment d’appartenance et d’identité culturelle, d’un individu est à bien des égards fonction de la mesure dans laquelle les caractéristiques culturelles de sa propre communauté et celles des autres communautés qui l’entourent lui sont familières. Ce sujet qui est jeté au débat dans l’hexagone n’épargne pas notre territoire.

 

La politique de la collectivité guadeloupéenne doit favoriser le développement des arts. Son but premier, fondamentalement culturel doit contribuer à familiariser l’individu avec les caractéristiques de la société dont il fait partie et contribuer à affermir son sentiment d’appartenance et d’identité culturelle. Il doit accompagner les artistes dans leur rôle, qui est celui d’exprimer les valeurs de la société dans laquelle ils vivent, mais aussi d’investir les sujets sur lesquelles la société doit se pencher pour mieux se connaître, pour mieux évoluer. Dans ce contexte, le rôle du pouvoir collectif consiste à appuyer la démarche artistique, à assurer aux créateurs des conditions favorables à la pratique de leur art et à favoriser l’accès du grand public à leurs oeuvres.

 

B) La souveraineté culturelle.

 

Cela peut sembler un paradoxe, de parler de souveraineté culturelle pour une entité sous tutelle. Mais Je confirme et signe. Certes, nous ne sommes pas état indépendant, mais en tous lieux et dans toutes disciplines, la Guadeloupe a toujours exprimé la nécessité pour elle d’avancer et de protéger ses valeurs authentiques, son patrimoine, les manifestations culturelles, les arts, la littérature, le théâtre la musique le sport le culinaire, la mode, s’imposent en s’intensifiant dans le pays depuis l’avènement des mouvements révolutionnaires des années 70 à 80.

 

Pour qu’il existe une politique favorisant le développement des arts et, par conséquent, la protection et l’épanouissement de l’expression culturelle d’un pays, il faut que celui-ci puisse maîtriser sa destinée culturelle. On pourra dire de la Guadeloupe qu’elle est souveraine en matière de culture lorsqu’elle disposera de la liberté nécessaire pour prendre les décisions politiques qui s’imposent quant à son avenir culturel, c’est-à-dire lorsqu’elle jouira de la latitude requise pour favoriser la création, la diffusion et la conservation de sa production culturelle et l’accès à cette production sur l’étendue de l’île, voire l’exporter dans l’hexagone.

 

La souveraineté culturelle, telle que je l’entends dans le cadre des prérogatives bien que limités de la collectivité, suppose la faculté d’établir une politiques pour atteindre les objectifs avancés plus haut, de définir les moyens et de mettre en place les outils et les programmes visant à appuyer les mesures précitées. L’omniprésence de la production culturelle américaine et occidentale menace notre identité culturelle. Pour survivre en tant que communauté à singularité culturelle distincte, la collectivité de Guadeloupe se doit d’appuyer et de promouvoir la création et la production de ses propres produits et services culturels. Il faut raisonner en pays, sinon nous disparaissons.

 

C) L’accès à la Production culturelle guadeloupéenne.

 

Permettre à tous les Guadeloupéen de la Basse-Terre à la Grande-Terre, d’avoir accès à la production culturelle du pays n’est pas une gageure, compte tenu de l’a petitesse du territoire. Cependant cela demeure une problématique, lorsque l’on sait que l’absence de lieux de monstrations, de prestations, de diffusions sur l’ensemble de l’île a pour conséquence un manque à gagner considérable sur la qualité, et la densité de la fréquentation des manifestations. Résoudre cette question constitue à elle seule un enjeu de taille, car non seulement sa résolution accroîtra le choix des « consommateurs d’art et de culture » tout en contribuant à augmenter la fréquentation dans les manifestation, mais elle permettra aussi aux artistes et aux industries culturelles de se développer, d’améliorer leur prestation et de multiplier de possibles débouchés.

 

D) Garantir son financement, c’est rendre viable économiquement le secteur culturel.

 

Les artistes ajoutent aux revenus qu’ils tirent de leurs activités artistiques des sommes qu’ils gagnent en vaquant à des occupations n’ayant aucun rapport avec leur vocation artistique. De leur coté, les organisations artistiques, (Expositions d’arts visuels, musiques, théâtre, danse… ) complètent les recettes qu’elles perçoivent aux guichets, par les subventions des collectivités en place, ainsi que les contributions de sponsors privés de plus en plus fébriles. À très peu d’exceptions près, être créateur ou producteur culturel en Guadeloupe est une activité qui n’est pas économiquement viable sans l’intervention de l’État, et des collectivités (Drac, Région, Département). Ce manque inhérent de viabilité économique met en jeu l’existence même de la production culturelle Guadeloupéenne. Les dépenses au titre de la culture, faibles ou inégalement réparties, ont pour conséquence un considérable manque à gagner pour les producteurs et organisateurs culturels. Il sont alors contraint à raccourcir leur saison, prennent moins de risques sur le plan de la création et réduisent l’envergure de leurs productions. Ces mesures ont pour conséquences immédiates de diminuer les revenus des artistes qui travaillent pour ces organismes artistiques. Certains ont disparu de la scène artistique, faute de budget.

 

E) L’action de la Collectivité Régionale

 

La mise en oeuvre de la politique culturelle dans le domaine des arts devrait relever du service compétent de la protection, la valorisation et la promotion du Patrimoine Guadeloupéen, au sein de la Collectivité Régionale. À cela on devrait rajouter ce que j’appellerai le Conseil des Arts de Guadeloupe. Ce conseil serait composé de professionnels compétents expérimentés et reconnus dans leur secteur respectif embrassant toutes les disciplines du domaine des Arts. Ce conseil sous la forme statutaire des sociétés telles que le CAUE ou le Comité du Tourisme par exemple, à vocation culturelle, autonome, rendrait compte de leurs actes au Service culturel de la Collectivité Régionale ou Territoriale, par l’entremise d’un responsable nommé par le Président de ladite Collectivité. Le recours à des organismes culturels jouissant d’une autonomie fonctionnelle pour mettre en oeuvre la majeure partie de la politique culturelle Guadeloupéenne dans le secteur des arts serait un aspect important et salutaire pour le développement des arts. L’absence d’ingérence, qui est au coeur même de la liberté artistique et de la liberté d’expression, serait préservé, et faciliterait les rapports entre artistes et politiques en assainissant ce secteur encore trop en proie au favoritisme.

 

F) Les prérogatives des Services et compétences collectives et services autonomes annexés

 

La politique culturelle dans le secteur des arts consiste en un ensemble de décisions politiques, de moyens, d’outils et de programmes visant à appuyer le développement de l’expression artistique du pays. Il doit faire appel à divers commissions, services ou organismes.

 

1. Le Service Culturel et du Patrimoine de la Collectivité Régionale

 

Il devrait élaborer les politiques relatives aux arts et soutenir financièrement certaines activités artistiques. Le Service soutiendrait financièrement les activités et les organismes artistiques dans le cadre d’un Programme d’Initiatives Culturelles . Les organismes culturels professionnels à but non lucratif de Guadeloupe pourrait utiliser l’’aide financière versée dans le cadre d’un Programme d’initiatives culturelles pour des projets visants le perfectionnement de la gestion, la production et la présentation de festivals et d’autres manifestations spéciales d’envergure régionale, la construction ou l’amélioration des installations consacrées aux arts visuels et d’interprétation, et la participation à des forums du milieu culturel.
Le développement culturel a forcément une incidence sur l’emploi et les activités des artistes.

Il a vocation construire des établissements de formations artistiques et à leur verser des aides annuelles afin de permettre à des Guadeloupéens talentueux, d’atteindre l’excellence. Des établissements offrant une formation dans le secteur des arts dans une vaste gamme de disciplines pour préparer les étudiants de tous les coins du pays à des carrières régionale, nationales et internationales.

 

2. Le Conseil des Arts de Guadeloupe

 

Il serait composés essentiellement de personnalités, professionnels, de compétences plurielles du domaine des Arts, Son objet serait de : favoriser et de promouvoir l’étude et la diffusion des arts ainsi que la production d’oeuvres d’arts. Soit, une mission fondamentalement culturelle. Le Conseil offre des prix, des fonds de dotation, des subventions et des services aux artistes professionnels et aux organismes artistiques légaux, vivants et œuvrants en Guadeloupe. Il devra créer un un Fonds pour les Arts afin de soutenir des projets artistiques innovants.

Le Conseil des Arts serait la clef de voûte d’une politique culturelle dans le secteur des arts, tant par l’envergure des moyens dont il disposerait que par l’effet d’entraînement que ses programmes d’aide et ses services exerceraient sur la création et la production artistiques. Sa mission de médiation culturelle, devra être entendue comme une démarche d’accompagnement, une stratégie d’accès aux arts et à la culture pour tous les citoyens.

 

3. Statut de l’artiste.

 

De tous les dispositifs culturels à mettre en place, celui du statut de l’artiste est prioritaire, car il constitue un élément essentiel, fondamental de la politique culturelle. Le respect des droits d’auteurs et et l’application du dispositif des 1% à la création artistique sont à considérer comme l’abolition d’une injustice qui perdure en Guadeloupe depuis que cette loi a été créé, et que des compétences en terme d’application ont été transféré aux collectivités territoriales (1983).

 

Rappel historique :

 

« LE 1% ARTISTIQUE » OBLIGATION DE DECORATION DES CONSTRUCTIONS PUBLIQUES «. L’architecture est le but de toute activité créatrice. La compléter en l’embellissant fut jadis la tâche principale des arts plastiques. Ils faisaient partie de l’architecture, ils lui étaient indissolublement liés. » Première phrase du manifeste publié en 1919 par Walter Gropius, directeur du Bauhaus.

 

La Loi du 1 %

 

Le 1% artistique est une mesure qui consiste à réserver obligatoirement, à l’occasion de
la construction ou de l’extension de certains bâtiments publics, une somme pour l’affecter à la réalisation d’une ou plusieurs œuvres d’art contemporain, spécialement
conçues pour ce lieu. La circulaire du 16 août 2006 (références ci-dessous) commente le régime de l’obligation de décoration des constructions publiques, qui a pour objectif de simplifier les procédures spécifiques relevant du Code des marchés publics.
L’obligation s’applique aux opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’Etat
ou par les établissements publics placés sous sa tutelle, autres que ceux ayant un caractère industriel ou commercial.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, le 1% décentralisé, pris financièrement par les collectivités locales Maîtres d’Ouvrage résulte du transfert de certaines compétences de l’Etat depuis 1983 :

 

ART.59 Les communes, les départements et les régions doivent consacrer 1% du
montant de l’investissement à l’insertion d’œuvres d’art dans toutes les constructions qui faisaient l’objet, au moment de la présente loi, de la même obligation à la charge de l’État.
Les obligations de « décoration des constructions publiques » sont reprises à l’article L.1616-1 du Code Général des Collectivités territoriales.

 

Le rétablissement de cette situation de droit est une manière de reconnaissance et de respect de la dignité de l’artiste , donc de la valorisation de son statut de créateur, son rôle éminent de vecteur de valeur culturelle et patrimonial dans la cité.

 

D’autre part, Il faut noter que la France a énormément de retard sur la question du droit des artistes et du respect de son statut. La Guadeloupe n’est pas en reste. Le Canada devance la France en créant en 1992 une loi sur le statut de l’artiste, conférant à ce dernier des droits spécifiques, tant sur le plan social qu’économique. L’un de ces droits qui me semble très intéressant est le droit des artistes de bénéficier de mécanismes actualisé de consultation officiels et d’y exprimer leurs vues sur leur statut professionnel ainsi que sur toutes les autres questions les concernant. À ces fins, la Loi a créé le Conseil Canadien du Statut de l’artiste et le Tribunal Canadien des Relations professionnelles artistes-producteurs. Cela devrait inspirer la France.

 

« Statut des artistes: la France obligée de revoir la copie La Cour de justice européenne condamne la France et lui demande de revoir sa législation en matière d’emploi des artistes. Elle estime qu’en « soumettant l’octroi d’une licence aux agents de placement des artistes établis dans un autre État membre aux besoins de placement des artistes (article L. 762-9 Code du travail) (et) en imposant une présomption de salariat aux artistes qui sont reconnus comme prestataires de services établis dans leur État membre d’origine où ils fournissent habituellement des services analogues (article L. 762-1 Code du travail) », la France contrevient au principe de libre prestation de services, garanti par le Traité européen. La Cour rappelle que cette disposition (article 49 Traité CE) « exige la suppression de toute restriction à la libre prestation des services, même si cette restriction s’applique indistinctement (à tous les) prestataires nationaux (ou européens), lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités des prestataires des autres États membres qui fournissent, dans leur État membre d’origine, légalement des services analogues ». (CJCE, 15 juin 2006, Commission européenne / France, affaire C-255/04) ».

 

En conclusion

 

Ces réflexions bien entendu sont à considérer comme une amorce aux perspectives d’évolution statutaire programmée pour la Guadeloupe, afin de répondre avec précision aux attentes des artistes, et rétablir le droit et ainsi, leur permettre d’exercer leur profession dans des conditions dignes de leur qualité en tant qu’acteur économique « à valeur culturelle et patrimoniale » ajoutée.

 

Richard-Viktor SAINSILY-CAYOL.
Créateur en Arts Visuel / Guadeloupe