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Artiste visuel

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SÉ TI GRENN KA FÈ GRAN PYÉ BWA

du 22 Juillet au 23 août 2025

 

 

En 2016, lors d’une randonnée sur un site nommé Bras David de la rivière homonyme, située sur la route de la traversée à Basse-Terre en Guadeloupe, j’ai rencontré un arbre majestueux dénommé Acomat boucan.

J’ai d’abord été frappé par sa beauté, il était majestueux et imposant. Il me semblait avoir 400 cents ans d’âge. Le plus troublant pour moi a été un phénomène que je n’ai pas su expliquer sur le moment. J’ai ressenti en moi une sorte d’appel, une invitation au dialogue, à la communion, une attraction à la fois calme et silencieuse mais puissante. L’envie de toucher l’arbre, de me poser sur lui afin de ressentir ses vibrations, son énergie, sa vie, me semblait irrésistible.

Ma rencontre avec l’Acomat Boucan m’a poussé à entreprendre un voyage initiatique révélateur de mon attachement particulier à la terre, de l’importance de l’ancrage dans un espace historiquement inhospitalier et pourtant riche et porteur d’histoires autres, de ma propre histoire. L’Acomat n’a pas de racines profondes et pousse sur une crête qui les pose en contrefort et les rend encore plus hautes : l’arbre nous renvoie ici continuellement à une métaphore, celle de l’homme-arbre, de son adaptation à l’espace de la plantation, de sa lutte acharnée pour survivre, de sa conquête d’un espace de marronnage.

Cet être mi-homme mi-arbre est celui que la langue créole désigne comme pyé bwa, un arbre doté des pieds de l’homme, prêt à partir, se déplacer, s’adapter lorsqu’il est déraciné. Des pieds qui portent un tronc, des bras et un riche feuillage, une écorce : lapo bwa. Cette image capable d’hybrider l’humain et le non humain a pris place et sens dans mes dessins, mes toiles, mon corps en performance.

À travers plusieurs promenades en forêt et en mangrove, au fur et à mesure que je m’enfonçais dans le bois et lors de différentes rencontres et découvertes, je me dépouillait à fur et à mesure de la superficialité et du matérialisme de notre société contemporaine afin de revêtir l’esprit de la forêt, de devenir moi-même un homme-arbre, de faire un avec le vivant.

Ce voyage initiatique, cette marche silencieuse, ces rencontres avec les arbres, les plantes et les hommes, leurs histoires, leurs symboles et leurs pouvoirs m’habitent et guident mon geste

 

Samuel Gelas

 

 

 

Dans ce travail, je poursuis ma réflexion autour de l’enfance, mais cette fois-ci, je la relie de manière plus directe à la terre, au vivant. J’ai imaginé une installation qui prend la forme d’un lit , tissé de cordes, comme un berceau précaire posé entre deux mondes. Il est entouré de terre, de plantes, de pousses certaines pleines de vitalité, d’autres plus fragiles  comme des enfants qui grandissent dans des contextes différents.

À travers cette pièce, je parle de la “bonne” et de la “mauvaise” graine, non pas en les jugeant, mais en les pensant comme des enfants marqués par le sol dans lequel ils poussent. Grandir dans une terre fertile ou abîmée influence profondément leur devenir. Le lit devient ici un terrain symbolique, un lieu de germination, d’incertitude, de protection mais aussi de vulnérabilité.

J’ai choisi d’intégrer des plantes spécifiques, comme l’épine du Christ ou “qui vivra verra”, connues pour leurs vertus protectrices. Elles m’intéressent pour leur dimension symbolique, presque magique, comme si elles formaient un cercle de soins ou de résistance autour de ces vies en devenir. Au-dessus du lit, une branche de fougère suspendue flotte, mêlée à du coton de fromager, comme une mémoire ou un esprit protecteur au-dessus de l’enfant.

Dans une autre salle, des enfants, suspendus à des lianes végétales, continuent cette narration. Ils oscillent entre le jeu, l’abandon, l’envol et l’enracinement. Ils sont comme ces graines portées par le vent, qui cherchent un sol où se poser.

C’est une œuvre qui parle d’origine, de milieu, de protection mais aussi de résilience. Une manière pour moi de lier mon vécu à celui d’autres enfants, de rendre visible l’invisible, et d’explorer la manière dont la nature peut être un miroir ou un refuge.

 

Shamika GERMAIN